Les hautes saisons de Venise charrient des masses de touristes en quête de vues pittoresques semblables aux cartes postales vendues dans la Sérénissime. Ce voyage s’appuie sur les images symboliques de la ville dont rayonnent les monuments historiques, les ruelles aux textures délavées et les gondoliers pour vendre un souvenir réussi. Dans le cadre de cette industrie touristique, ce n’est plus tant le monument en lui même qui semble intéressant mais la possibilité de produire par ses propres moyens une image semblable à celles que l’on a vues.
Venise analogique est une série photographique, réalisée le long d’une année, qui retranscrit le quotidien habité de la cité lacustre à la fragilité emblématique. Un regard naïf découvrant pour la première fois l’abstraction mystérieuse d’une ville construite sur l’eau s’associe à un regard analytique qui démêle au fur et à mesure histoire et territoire, prenant conscience de sa vulnérabilité.
Venise semble alors trouver son équilibre entre résistance et résilience, entre statique et écoulement de l’eau ; l’apprivoisement incessant de forces qui se meuvent continuellement et s’infiltrent en tout lieu. Il est presque impossible aujourd’hui de regarder Venise sans songer à son déclin, à cet équilibre qui se rompt. Comment réagir au déclin d'une ville ?
Le sentiment d’un quotidien amené à disparaître ou à se transformer, s’exprime par une lumière diffuse, issue d’une source inconnue, sans ombre. Les images sont récentes et pourtant, elles évoquent une époque qui a déjà pris fin. La texture de l’analogique nous détache du réel, le temps est ralenti, empreint d’une nostalgie instantanée traduisant ainsi l’ambivalence de ce grand village mythique dont la pérennité est incertaine.
Léonie Jacqmin, Solène Hoffmann